Métier & Mérite

Le travail est au cœur des débats, dans le monde de l’art contemporain comme dans plusieurs autres sphères de la société. À l’origine de la thématique proposée se trouve notre questionnement au sujet de la valeur qu’on lui accorde; le travail peut être envisagé comme une recherche de validité, mais comment décidons-nous de ce qui est valable ? Le travail de création est paradoxalement aussi fondamental que marginal dans notre culture. Dans ce contexte, quels critères définissent le travail artistique ? La sixième Biennale internationale du lin de Portneuf explore les liens entre métier et mérite.   Les projets présentés nous invitent à reconsidérer la notion de travail – qu’il soit artistique ou autre – et la valeur qu’on lui accorde en déboulonnant au passage le mythe passéiste du génie inspiré pour offrir aux visiteurs l’occasion d’envisager la création artistique sous l’angle du travail.

Traditionnellement, le travail consistait à utiliser des matériaux bruts pour en faire des objets utiles grâce à une main-d’œuvre et un savoir-faire; la production de linge de maison en est un exemple archétypal. Avec les changements qui affectent la notion de travail, les vieilles dichotomies entre travail intellectuel et travail physique s’estompent; de même la distinction faite en art entre une idée et son exécution est abolie. Les expositions mettent en évidence la diversité des processus de création, allant de l’utilisation de techniques et de savoir- faire qui rendent le travail artistique invisible et mystérieux à une démarche plus conceptuelle qui consiste en une accumulation de gestes dont les traces rendent tangible la notion de temps et d’effort. Certains artistes utilisent différentes façon d’aborder le travail, que ce soit en tenant compte du rythme et du temps, du temps inscrit dans les cycles naturels de la terre ou dans les limites du corps humain. D’autres utilisent des règles qu’ils s’imposent eux-même pour ensuite les ignorer, que ce soit de façon intentionnelle ou non, et ainsi créer des métaphores de la répétition provocantes de beauté ou d’absurdité.

L’existence même de l’art remet en question les notions capitalistes qui définissent le travail en opposant inutilité et productivité. Par des stratégies comme l’utilisation de matériaux non-précieux ou de rebuts, les artistes mettent de l’avant un travail inventif et intangible – invisible, sous-évalué, ou souvent à peine reconnu comme étant un travail – allant d’un processus de création artisanal comme pour le textile jusqu’ à des processus sociaux et biologiques. Quel est le travail d’un tissu, d’un fil, d’une fleur, d’une graine ? De même que nous mettons en doute la valeur des matériaux mêmes, les artistes de la Biennale explorent les propriétés physiques du lin sous toutes ses formes et demandent : est-ce qu’un matériau possède une valeur intrinsèque ou bien celle-ci est-elle fonction de son abondance, de sa rareté, de son utilité, ou de sa valeur historique ou commerciale ?

D’un point de vue plus large, nous constatons que plusieurs artistes s’intéressent à l’aspect social du travail, comment les gens collaborent – travaillent ensemble avec la matière – pour créer de la valeur. Cette célébration du savoir-faire et de notre héritage culturel est la raison d’être de la Biennale du lin. À travers différentes cultures, les savoir-faire oubliés sont retrouvés par les communautés grâce aux artistes qui créent des échanges dynamiques entre histoire et changements technologiques. Loin d’être nostalgiques ces dialogues questionnent un passé qu’ils honorent tout en s’adaptant à de nouvelles réalités.


Work and Worth

Labour has been a defining issue not only in contemporary art, but also in a broader social context. Underlying our concerns about work are questions about value that have inspired the curatorial theme: How is work valued? How is it measured? What counts as meaningful work? What kind of work is art? This edition of the Biennale du lin invites a re-evaluation of our understanding of work – artistic or otherwise – and the values we ascribe to it.

The BILP will be split into North and South axes spread over five historic exhibition sites within the villages of Deschambault, St Leonard and St Raymond. The South axis, which is the subject of this grant proposal, has as its working title Art as Magic or Art as Work?. This exhibition looks at the artistic process itself – a subject shrouded in mystery for most non-artists. Rather than mythologizing an image of the artist as inspired genius, the exhibition reformulates this illusory vision of the creative process by presenting to visitors an alternative model of art as work.

The works in the exhibition are grouped roughly into ranges on a spectrum of transparency vis à vis the artistic process: from artwork that embodies skilled workmanship to self-reflexive artwork that deconstructs the process of making itself. Art can be understood as carrying an implicit or explicit reference to the time and toil involved in its creation. At one end of the spectrum, the process by which a beautiful object is created is invisible and mysterious, as if it were made by magic. At the other end, the laborious, repetitive nature of textile work is intentionally revealed, by artwork that consists in, not an object at all, but a repetitive accumulation of gestures whose trace makes time visible.

An artist residency component to next year’s Biennale will highlight the explicit relationship between work and time. This series of durational performances and accumulative installations will offer a fresh contribution to BILP’s programming by focusing on access to the artistic process by the local community. Artists working in situ will have the opportunity to respond to the historical context of local institutions that serve as the Biennale’s exhibition sites: the church, site of daily devotion and ritual; the repurposed rectory (Vieux Presbytère), formerly a site of domestic privacy and refuge; and flour mill (Moulin de la Chevrotière), literal a site of the ‘daily grind’. Together they represent a shift from their original function to house the material and spiritual essentials of life to their more complex social roles within the leisure and tourism industry. Through site-specific durational performances and accumulative installations, the residency artists will create a dialogue between past and present that highlights the changes in what constitutes work in daily life.